Kremlin-Bicêtre, Fev 2005

Je ne peux pas dire que l'appartement me manquera. Je ne peux pas non plus regretter le quartier, les grecs, ou la fourche de la ligne 7. Non, quitter tout ça, c'était facile.

Ça faisait déjà un moment, de toute façon, que j'avais tiré un trait bien épais et bien définitif sur la vie d'étudiant. Sur les nuits blanches passées à faire n'importe quoi, de préférence autour d'un ordinateur. Sur les soirées nouilles-potes. Ça faisait un moment que j'avais réalisé que maintenant, si je cherchais, à 4h du matin, un briquet pour faire flamber des bananes, il faudrait attendre l'ouverture du supermarché plutôt que de d'aller bêtement sonner chez celui d'à côté en feignant de n'avoir pas vu l'heure.

Au fond, le plus dur était passé depuis bien longtemps. Quand, presque tous, ils étaient partis, les uns après les autres, sans que je puisse les suivre. Depuis, j'avais un bout de coeur à Rennes et un morceau de tête à Lyon. Un bras à Toulouse, une jambe dans le sud Parisien, un oeil à Boulogne, et une oreille au bout du monde. Et dans ces conditions, vivre dans une pièce de 9 mètres carrés, avec 9 ordinateurs, c'est vite étouffant.

Il m'aura fallu plus d'un an pour couper le cordon. Apprendre à jeter les vieux ordinateurs, qui ne tournaient plus, de toute façon. Apprendre à jeter ma première 3Dfx, à manier le paddle mieux que le clavier, et à arrêter de vivre en regardant derrière moi.

Hier, j'ai signé l'état des lieux, et rendu les clés.

J'aurais dû faire ça beaucoup plus tôt.