On m'a collé les yeux avec de la colle cléopatra. Vraiment, je ne vois que ça. C'est la seule colle au monde capable de m'engluer le regard tout en me shootant le cerveau aux grains de sable. J'essaie d'enlever tout ça avec de l'eau fraîche, mais rien n'y fait. Je me jette dans la rue, un peu ébourriffé, un peu chancelant, complètement au hasard. Mes antiques chausses me mènent au métro. Avant d'y rentrer, je me fais interpeller par un cocker géant, qui me demande son chemin. Je fais mine de savoir où se trouve la rue des branquignolles à Montreuil, et je m'engouffre dans les souterrains de la ville, à la recherche d'une étincelle de vie.

Je sors mon bouquin. Ne me demandez pas comment je fais pour lire dans cet état. Ou plutôt, demandez-le lui directement, tiens, c'est de sa faute après tout. La station de métro arrive bien plus vite que prévu, et je l'attrappe de justesse. Je négocie quelques virages serrés et j'écrase quelques pieds au passage. Un contrôleur s'enfonce nonchalament un tube de Vicks dans la gorge, et un pouce dans la narine droite.

Je croise une armée d'ombres, et quelque chose me perturbe. Une gamine de 3 ans me regarde ; elle a l'arcade sourcillière percée. Une antenne de métal lui jailli du front, pendant que des braillements insupportables lui sortent de la gorge. Les ondes qui surchargent l'atmosphère m'abrutissent. Je ne pense plus qu'à une chose, sortir. Retrouver l'anonymat de la rue. Me fondre dans la masse des hommes à bouc et des femmes fatales.