J'ai besoin de fruits. De vitamines. D'un liquide pour noyer mon alcool aussi. Je décide qu'une bouteille de jus d'orange sanguine fera très bien l'affaire. D'un pas décidé, je me dirige donc vers le supermarché du coin. Sur le chemin, une mémé me bouscule. Un chat s'étrangle dans ma gorge, ce qui irrite soudainement son roquet. Elle tire sur la laisse en râlant. Le jappement aigu a dû dérégler son sonotone.

À peine entré dans le magasin, mes oreilles sont prises d'assaut par les hurlements d'une armée de gamins. Ils jouent à savoir qui de leur mère ou de leur père s'énervera le premier et leur collera la trempe du siècle. Le seul problème, c'est que l'autorité parentale a foutu le camp il y a bien longtemps, à peu prêt le jour où le préservatif a lâché. Je soupire et me dirige vers le rayon boissons.

J'arrive en caisse sans incident majeur. La caissière me fait un grand sourire, et me demande si je compte faire une petite fête ce soir. Franchement, vous en connaissez beaucoup, vous, des personnes qui achètent 2 litres de jus d'orange pour faire une petite sauterie ? Moi pas. Enfin si, maintenant, une, la caissière. Je nie de la tête, donc. Elle rattaque, en me demandant confirmation qu'il fait bien froid dehors. J'ai dû me tromper, j'étais pourtant sûr de ne plus confondre les salons de coiffure avec les supermarchés. La mèche qui me tombe sur les yeux à ce moment là me conforte dans ma première impression. Bref, j'esquisse un non de la tête. On me signale alors, l'air un peu désenchanté, que je ne suis pas du genre bavard, hein.

Ben non. Je ne suis pas bavard. D'autant moins bavard que je suis aphone, l'un des rares soirs où j'aurais voulu pouvoir parler avec des inconnus. J'ai soudain envie de hurler, et je m'étrangle dans un tonnerre de râclements de gorge.