zip le pingouin.
17 déc. 2003
Par manu sauvage - babillages - Lien permanent
1h23. Je déclenche le chronomètre et je m'engouffre sur la piste gelée. La sableuse n'est passée que dans mes yeux, je baille à en recracher les amygdales, ce qui ne manque pas de créer un nuage de buée sur deux kilomètres.
Je franchis le premier obstacle sans encombre, la station BP est maintenant loin derrière moi. Je slalome sur les bosses, tout glisse parfaitement, j'enchaine, je suis en forme. Trois lampadaires déguisés en chenillard d'ampoules jaunes tentent tant bien que mal de me rappeler que noël approche. Dernière ligne droite avant le terminus du métro, tout va pour le mieux, je coiffe une mobylette au poteau du feu rouge. Le type étouffe un juron sous son casque, sûrement intimidé par la présence du père noël qui escalade le balcon d'à côté.
1h30, la RN7 est en vue. Gauche, droite, pas de bus, je suis le seul noctambule. Résigné, je continue mon parcours. Trois coups de patins me remettent en course, les feux passent miraculeusement au vert sur mon passage, en signe d'encouragement ; j'ai soudain l'espoir d'arriver avant 9h30 au Kremlin-Bicêtre. Les bosses ont fusionné en une gigantesque côte, la sueur commence à se confondre avec la buée sur mon front. Une station de métro me passe sous le nez, déserte et inquiétante dans la nuit.
Sommet de côte. J'amorce la descente, confiant. Mes muscles se détendent, je me laisse aller. Je n'ai plus qu'à pousser un peu pour accélérer le mouvement naturel qui me mènera tout en bas. Il s'agirait de ne pas y passer la nuit. Une voiture me dépasse en klaxonnant, trois hystériques sortent le nez par la fenêtre et me hurlent leur folie. Je les grille au feu suivant, soulignant une fois de plus l'inutilité de rouler à 80 kilomètres par heure en ville, même la nuit.
1h36. Le panneau d'entrée d'agglomération du Kremlin-Bicêtre vient de heurter de plein fouet ma rétine. Les battements de mon coeur s'accélèrent, et je donne un dernier coup de patins. Là, mon pied gauche roule sur un trois feuilles raté, jeté avec rage par l'automobiliste qui vient de me dépasser. Je dérape, tente de recouvrer un semblant d'équilibre, sans succès. Deux secondes plus tard, je suis sur le ventre, et je glisse à toute vitesse. Cinq cents mètres plus loin, je plante une canine dans le bitume pour négocier le dernier virage, d'un mouvement de bassin je redresse mon buste et m'accroche à la porte de l'immeuble pour arrêter ma course.
J'entre dans le carton à chaussures à qui me sert d'appartement. Une odeur de poussière ventilée déboule dans mes narines, mon orteil gauche évite de justesse l'ordinateur qui traine devant le réfrigérateur.
Home sweet home.
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