On ne cesse de nous répéter que le monde est en crise. Tout va mal, c'était mieux avant ma bonne dame.

Chez les vieillards de tous poils qui nous dirigent, on tient à peu près ce discours : « Allez bande de feignasses, travaillez un peu que diable, vous aurez tout le temps de prendre des vacances d'ici 42 ans. 45, si vous êtes sages ». Pour ceux là, il faut relancer la consommation, faire des pépètes, miser sur la croissance et le libre-échangisme (mais sans poils).

Chez les jeunes, ça n'est guère mieux. Vas-y que j'hystérise sur l'avenir ; vous aurez remarqué comme il est tendance de compter ses points de retraite entre amis, de souscrire à une assurance vie pour frimer auprès de ses voisins, et d'évoquer, la peur au ventre, ces longues années de cotisation nécessaires avant le repos ultime, quand on sera vioque et moche, con et prétentieux, dégarni pour certains, choucroute à frisettes pour les autres. Rien à dire, je les comprends ces gens, ça fait envie la retraite, vivement, tiens.

Chez d'autres jeunes, on prône plus la révolution. La remise à zéro des pendules, la fin du capitalisme, du dirigisme, de la rigidité étatique, des OGM et des avancées technologiques, qui sont de toute façon liberticides. On veut du logiciel libre par ci, des élus verts par là, l'abolition des frontières, le Grand Mélange Final, une orgie globale. Être vieux, on n'y pense pas, de toute façon on sera mort avant, avec les gens qu'on a au pouvoir. On refuse le travail, la famille, la nation, toutes ces valeurs décrépies qu'on veut nous faire passer pour des pastilles Vichy bonnes à sucer, alors qu'elles sont là pour nous enculer. Ces jeunes là sont engagés à mort dans une lutte sans fin. D'ailleurs, ceux de 68 continuent de lutter grave, fusil au poing. Réfugiés dans leur parti politique, parce que bon, quand même. De toute façon, il faut combattre l'ennemi avec ses propres armes.

Bon, donc, l'économie stagne et les gens font la tronche, nous dit-on ? En fait, tout ceci est un vaste complot destiné à tous nous faire virer dingues. D'ailleurs en voici la preuve formelle : foncez rue Montgallet, comptez le nombre de gens qui sortent du métro les mains dans les poches et qui en ressortent les mains pleines de poches. Essayez de calculer, mentalement, la somme rondelette que tous ces achats représentent, et le nombre de vieux cons, jeunes cadres dynamites, et rebelles sans âge qui transitent ici, en mêlant leurs sueurs dans une bousculade sans nom. La rue Montgallet a de quoi satisfaire libéraux, anxieux et révolutionnaires. On les y accepte tous, et on oeuvre à leur bonne santé en leur permettant d'assouvir leurs fantasmes électroniques du moment. On satisfait à tous les besoins ; consommation (lourde), libre-échange (de CD), abolition des frontières (DVD multizonés), Ordinateur Grandement Modifiés, et kebab à tous les coins de rue.

Non vraiment, nos analystes sont des fumistes.