septembre 16, 2003

antipathique vengeance

automne triste

Au fond de la pièce, brisant le silence, un petit rire surnaturel s'échappe d'une gorge anonyme. Le petit écran passe de main en main, et les gloussements commencent à rebondir sur les murs trop blancs. Lui n'entend rien. Il fixe son bureau, le regard vide, l'oeil comme noyé au milieu des chiffres qui s'étalent devant lui. Les rires s'amplifient de seconde en seconde, se heurtant à ses tympans sans relâche pour essayer d'en briser le mur.

Des dizaines d'yeux fixent maintenant la petite lumière pâle. D'autres lumières s'allument, les fils de la toile se tissent un à un. Les rires se sont mués en soupirs et chuchottements, en rumeurs et agacements. La nuée se disperse précipitamment, alors qu'arrive la rigueur, cachée derrière un costume Burberry. La nuit tombe dans le bureau, les noeuds se défont, les mains se cachent alors que les langues se lient de nouveau.

De rares plumes se remettent à gratter le papier, et le claquement des doigts sur les terminaisons plastiques des machines reprend de plus belle. Les nez se froncent, chevauchés par leurs montures sombres. Lui se contente de lever un regard curieux sur ce nouveau monde de tranquilité. La rigueur esquisse quelques gestes de ses mains, ses doigts se tordent à qui mieux mieux, hésitants, maladroits. Son regard à lui passe de la torpeur de l'ennui à l'angoisse soudaine. Il a peur de mal comprendre, les gens se trompent si souvent. Ses yeux se brouillent. Il ferme les paupières pour finir de s'isoler du monde.

Le costume s'agite un peu, hoche la tête, et prend la parole.
- Comme je viens de le lui indiquer, notre comptable monsieur B. nous quittera dès la semaine prochaine. Nous n'entendons rien à son travail, et il laisse nos clients sans voix. Double exploit pour un sourd-muet, vous en conviendrez.

L'assemblée rit bruyamment au cruel calembour. Lui ne voit que cette gigantesque armée de molaires prêtes à s'abattre sur la proie facile.

- Et s'il vous plaît, évitez de passer vos journées à jouer avec vos téléphones mobiles, ou je me verrai contraint de prendre les mesures adéquates.

Le silence retombe, lourd, suivi d'un bip strident. La rigueur a reçu une photo de sa fille sur son téléphone dernier cri. Elle est en larmes. Elle est virée.


moralité: c'est pas parce qu'on met en scène un personnage sourd-muet qu'on a forcément un semblant de scénario

Rédigé par manu à 20h48 | TrackBacks (0)
Categorie: [cinéma]
Commentaires
TDD le 16 septembre 2003 à 22h48

Je suis très partagé sur ce film, qui a reçu quelques bonnes (voire très bonnes) critiques, semble emballer pas mal de spectateurs, mais reste ficelé bizarrement autour d'un sujet plutôt dur.

Je ne sais d'où vient ton extrait (qui ressemble d'ailleurs beaucoup plus à du roman qu'à du scénario), mais ça donne pas super envie, en effet.

Eve le 17 septembre 2003 à 08h51

J'aime beaucoup la photot en tous cas.

djam le 17 septembre 2003 à 09h57

Moi, je préfère la banier comme d'hab :). Je suis d'accord avec tdd ça donne envie de le voir, pit'être ce weekend.

Matoo le 17 septembre 2003 à 10h54

Ca donne plutôt envie de se faire son opinion... mais en partant avec un a priori négatif en effet !! ;)