mars 05, 2003

Un peu d'histoire...

Organisation des Nations Unies (O.N.U.)
10 janvier 1946, 16 heures
Ouverture de la première Assemblée générale, avec la représentation de 51 nations
Central Hall, Westminster, Londres

Président: Dr ZULETA ANGEL (Colombie)

Résolus à préserver les générations futures du fléau de la guerre qui, deux fois dans l'espace d'une vie humaine, a infligé à l'humanité d'indicibles souffrances, et animés par une foi inébranlable et en la liberté et en la justice, nous nous sommes rendus dans cette métropole britanique, si profondément empreinte d'une majesté héroïque, pour constituer l'Assemblée générale des Nations Unies et commencer à appliquer avec sincérité et loyauté la Charte de San-Francisco. Cette Charte, parce qu'elle fut discutée librement et démocratiquement, tous l'ont acceptée sans réserve, sachant que les organes dont elle portait la création se montreraient dignes de sa mission historique, Celle-ci consiste, en somme, a maintenir la paix et la sécurité, au besoin en recourant collectivement à l'emploi des forces aériennes, terrestres et navales, et à créer, par une coopération appropriée, dans les domaines économique, social, culturel et humanitaire, les conditions de stabilité et de bien-être ntcessaires pour assurer entre les peuples des relations amicales et pacifiques, fondées sur le principe de l'égalité des droits des peuples et de leur droit à disposer d'eux-mêmes.

C'est une tâche ardue et difficile, encore que réalisable, et c'est, en tout cas, une tâche impérieuse et urgente, parce que I'humanité a les yeux fixés sur nous et attend à bon droit, et dans une angoisse compréhensible, que nous nous montrions capables de l'exécuter. Il est évident que nous ne saurions, une fois de plus, tromper impunément cette humanité, aujourd'hui plus que jamais, a la suite de la plus terrible et de la plus dévastatrice des guerres.

Or, nous ne la tromperons pas. Quelque chose nous dit intérieurement que, portés par un sentiment humanitaire, large et sincère, nous saurons relever nos coeurs et appliquer aux problèmes de la paix l'esprit de coopération, la ténacité, l'abnégation et les connaissances techniques qui, appliqués aux bouleversants problèmes de la guerre, assurèrent ce triomphe splendide des démocraties qui nous vaut d'être réunis ici. C'est quelque chose que le souvenir de San-Francisco, où les plus graves difficultés ont été surmontées dans une atmosphère de bonne volonté, illuminée par les dernières lueurs tragiques de la conflagration mondiale. C'est quelque chose que l'efficacité et l'harmonie qui régnèrent au Comité exécutif et à la Commission préparatoire. C'est aussi l'intérêt tout spécial que les grandes Puissances ont témoigné au fonctionnement des organes des Nations Unies. C'est encore cette bonne volonté dont nous nous sentons tous animés pour la réalisation d'une tâche qui ne le cède à nulle autre en élévation, en grandeur ou en importance, parce qu'il n'est pas de but plus digne de l'intelligence et de la volonté des dirigeants que celui de maintenir une paix fondée sur une entière coopération internationale, dans le dessein d'alléger les malheurs de l'humanité

A la réalisation de cette tâche, tous, grands et petits, forts et faibles, nous apporterons un concours sans restriction et sans défaillance.

Les cinq grandes Puissances qui, en vertu des Articles 24 et 27 de la Charte, et par la nature même des choses, assumeront la responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité apporteront non seulement le poids immense de leur force militaire, financière et industrielle, mais quelque chose de plus important encore, et sans quoi cette même force ne serait que l'instrument d'un cataclysme auquel on n'ose penser : la bonne volonté pure de toute idée d'intrigue et de ruse, et l'esprit de coopération nécessaires pour maintenir entre elles la bonne entente sur laquelle repose toute notre Organisation.

Les autres Puissances ont déjà déposé, en signant la Charte, et a titre de contribution initiale à la grande ceuvre, une partie considérable de leur bien le plus précieux et le plus sacré: je veux dire leur souveraineté. Elles ont fait le sacrifice avec une émotion profonde, mais sans hésiter, et en pensant que c'était le commencement d'une ère nouvelle dans laquelle leur sécurité sera collectivement garantie par des moyens appropriés et efficaces, et tout attentat ou agression dirigé contre elles, sévèrement réprimé.

Mais elles ont encore une autre obligation à remplir, celle de collaborer loyalement au maintien de I'harmonie entre les grands, avec la certitude que toute politique, ou toute action inconsidérée de nature à compromettre l'union des grandes Puissances, équivaudrait à un suicide.

Dans cette Assemblée qui, selon un mot célèbre, est la tribune de I'opinion publique universelle, les petites Puissances auront, d'année en année, l'occasion de faire entendre leur voix dans une atmosphère aussi libre et aussi démocratique que celle dont elles ont bénéficié à San-Francisco et à Londres.

Cependant, nous ne devons pas perdre de vue que l'importance et l'influence de cette voix dépendront moins des dispositions de la Charte sur les fonctions et les attributions de l'Assemblée que de la sagesse, du jugement, de l'esprit de coopération et du sentiment de justice qui l'inspireront et l'animeront.

Appuyée sur la raison et pénétrée d'un sens humanitaire authentique et pacifique, cette voix ne manquera pas d'être écoutée et respectée par le Conseil de sécurité.

D'après I'Article 2 de la Charte, l'Organisation est fondée sur le principe de I'égalite souveraine de ses Membres, ce qui, après tout, n'est pas incompatible avec la constatation de ce fait patent que la responsabilité principale du maintien de la paix appartient à ceux qui ont le plus de moyens pour accomplir cette tâche.

Que ce principe ne reste pas lettre morte dans la Charte, c'est ce que prouve la circonstance, peut-être déconcertante pour plusieurs, que l'insigne privilège d'ouvrir cette assemblée des Nations Unies, formée de tant de personnalités illustres, échoit à l'obscur repréentant d'une petite République ibéro-américaine qui ne saurait s'enorgueillir de sa force militaire ni de sa puissance économique, mais qui est fière de sa structure juridique et de son organisation démocratique et de son amour de la liberté.



Références et textes complets.

Rédigé par manu à 00h59 | TrackBacks (0)
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