La clé tourne dans la porte, qui grince sur ses gonds. L'évier se met à faire des bulles pour m'accueillir. Peut-être aussi pour me signaler que la vaisselle de la semaine dernière m'attend, impatiente, saumâtre. Mais j'ai plus urgent. Au fond de la pièce, trois corps inertes m'attendent. Je leur saute dessus, et je les enlace, un peu inquiet de les trouver dans cet état.
Il fait frais, et c'est curieux car la ventilation est coupée. Je jette un oeil rapide au frigo, j'ai zappé le déjeuner. Mon corps réclame, mais les leurs me font d'avantage peur encore. Ils ne respirent plus. J'ouvre le placard, et j'extirpe une première boite. J'en dégage la poussière, fébrile, espérant trouver de quoi rassurer tout le monde. Mon angoisse grandit encore un peu quand le premier des deux êtres éteints refuse mon aide. La soirée promet.
Mon voisin sonne. Décidément, tout s'enchaine. L'un de ses protégés fait la tronche, tout le monde s'est passé le mot. Quelques kilos de misère se sont abattus en une matinée sur cet immeuble déserté. Je prend un verre de sirop de litchi, et je le suis quelques instants pour voir si je peux lui filer un coup de main. Le café matinal est loin, et nous entamons une descente terrible. Grave crise de manque au 3rd, que n'arrangent pas les odeurs d'herbes diverses dans les couloirs.
Trois heures plus tard, nous avons retrouvé un peu de notre bonne humeur habituelle. Tout le monde semble aller mieux. Je regarde mes trois compagnons d'un air bienveillant, ils ronronnent sous mes pieds. Les cernes qui dessinent le contour de mes yeux en disent long sur mon état d'usure, mais je vais pouvoir dormir tranquille.
Je hais les pannes de courant.