juin 17, 2003

mondialisation ?

Rien de tel qu'un weekend ensoleillé pour se plonger dans un bouquin. Ce weekend, donc, j'ai lu d'une traite Les Identités meurtrières d'Amin Maalouf. Dans ce court essai sont abordés de nombreux points d'actualité, qui sont ensuite confrontés à l'histoire. L'auteur, Libanais expatrié en France depuis 1976, essaie de donner des clés pour comprendre les conflits passés et actuels, qui ont déchiré ou déchirent encore toutes des populations du monde — quels que soient leur religion, leurs courants politiques, et leurs idées. En appuyant sur les dangers d'une Identité exacerbée, de la mise au premier et unique plan de telle ou telle appartenance ou croyance, famille, région ou nation, caste, classe ou courant de pensée, l'auteur souligne et tente d'expliquer l'émergence des nationalismes de tous bords, des nouvelles formes de terrorisme, et des divers mouvements passéistes ou religieux.

Tout au long de ma lecture, je n'ai pas pu m'empêcher de trouver le discours limpide, intelligent, mordant. Je n'ai pas pu m'empêcher non plus de penser à mon oncle, qui rêve d'une Bretagne indépendante. Pas pu m'empêcher de penser à Lunar, manifestant contre le G8, l'argent, le capitalisme, l'américanisation du monde, et surfant sur son iBook, montant des réseaux WiFi un peu partout. Je n'ai pas pu m'empêcher de penser que j'avais manqué une belle occasion en n'insistant pas pour apprendre une troisième langue au lycée. Que j'avais fait une belle bourde en oubliant les quelques notions d'Espagnol que j'avais acquises durant la même période. Après m'être plongé dans ce livre — comme si M. Maalouf était là, en train de m'exposer sa théorie, et moi, écoutant, en tailleur, à ses pieds, les yeux grands ouverts et la tête pleine de rêves — je me suis mis à réfléchir à toute vitesse. La tête pleine d'idées, d'envies, et prêt à dévorer quelques kilos de culture supplémentaire pour me sentir moins largué. Je vous conseille l'expérience à tous. Laissez-moi vous tenter, avec deux courts extraits.

[il ne servirait à rien de se demander si] la formidable avancée technologique qui s'accélère depuis quelques années, (...) qui a profondément transformé nos vies, notamment dans le domaine de la communication et de l'accès au savoir (...) est « bonne » ou « mauvaise » pour nous, ce n'est pas un projet soumis à référendum, c'est une réalité ; cependant, la manière dont elle affectera notre avenir dépend en grande partie de nous. Certains seraient tentés de tout refuser, d'emblée, et de se draper dans leur « identité » en lançant des imprécations pathétiques contre la mondialisation, la globalisation, l'Occident dominateur ou l'insupportable Amérique. D'autres, à l'inverse, seraient prêts à tout accepter, à tout « ingurgiter », sans discernement, jusqu'à ne plus savoir qui ils sont, ni où ils vont, ni où va le monde ! Deux attitudes diamétralement opposées, mais qui finissent par se rejoindre dans la mesure où elles se caractérisent, l'une et l'autre, par la résignation. Toutes deux — l'amère et la mielleuse, la ronchonne et la niaise — partent d'un même présupposé, à savoir que le monde avance comme un train sur ses rails, et que rien ne pourrait le dévier de sa course.

Que de gens, pris de vertige, renoncent à comprendre ce qui se passe. Que de gens renoncent à apporter leur contribution à la culture universelle émergente, parce qu'ils ont décrété une fois pour toutes que le monde qui les entoure était impénétrable, hostile, carnassier, démentiel, démoniaque. Que de gens sont tentés de se cantonner dans leur rôle de victimes — victimes de l'Amérique, victimes de l'Occident, victimes du capitalisme ou du libéralisme, victimes des nouvelles technologies, victimes des médias, victimes du changement... Nul ne peut nier que ces personnes se sentent effectivement spoliées, et qu'elles en souffrent ; c'est leur réaction qui me paraît malencontreuse. S'enfermer dans une mentalité d'agressé est plus dévastateur encore pour la victime de l'agression elle-même. C'est tout aussi vrai, d'ailleurs, pour les sociétés que pour les individus. On se recroqueville, on se barricade, on se protège de tout, on se ferme, on rumine, on ne cherche plus, on n'explore plus, on n'avance plus, on a peur du présent et de l'avenir et des autres. À ceux qui réagissent ainsi j'ai constamment envie de dire : le monde d'aujourd'hui ne ressemble pas à l'image que vous vous en faites. Ce n'est pas vrai qu'il est dirigé par des forces obscures, omnipotentes ! Ce n'est pas vrai qu'il appartient aux « autres » !

Amin Maalouf in Les Identités meurtrières
3,95€ en édition de poche.

Rédigé par manu à 00h20 | TrackBacks (0)
Categorie: [maux de tête]
Commentaires
kiddik le 17 juin 2003 à 00h34

hum .. je pourrais en parler pendant des heures :o)
Le mieux, c'est de se voir pour en parler autour d'un coca :)

oz le 17 juin 2003 à 09h53

Si je suis bien "tout", il y'a dans le monde 2 sortes d'individus...

djam le 17 juin 2003 à 17h00

Son analyse à l'aire pationnante !