mai 07, 2003

ça faisait longtemps...

Très longtemps même... Une quasi éternité que je n'avais pas eu de crise d'angoisse liée aux relations internationales. Appelons-les par leur vrai nom, d'ailleurs, et disons relations franco-américaines, voire europaméricaines. Et puis j'ai commencé, le weekend dernier, à me (re)pencher là dessus. Conscient que les choses allaient mal, et curieux de trouver des explications, des clés pour comprendre, et éventuellement faire évoluer les choses, je me suis donc lancé dans la lecture de La puissance et la faiblesse - Les Etats-Unis et l'Europe dans le nouvel ordre mondial, de Robert Kagan. Lecture qui fut parfaitement intelligente et instructive. Mais devant tant de ProAméricanisme, je me devais de rééquilibrer la balance, en me penchant sur les Chroniques Géopolitique 2002 de Pascal Boniface. Je ne les ai pas finies, encore, mais c'est dense. Et puis, au milieu de ces lectures, TDD est arrivé, a tout chamboulé, en me présentant daypop. C'est là que tout a recommencé.

Dès la première lecture du top40, on tombait, mercredi encore, sur cet article du Washington Times, accusant la France assez gravement, sous-entendant que nous aurions fourni des papiers aux responsables iraquiens en fuite. Le plus déprimant reste qu'aucun autre journal au monde n'a relayé cette information, mais qu'elle a été largement diffusée sur les blogs. Je n'arrive pas à trouver une once de crédibilité aux propos tenus ici, mais d'autres y arrivent très bien. Comme par exemple cet adepte du french bashing, Rich Mulen, qui y va relativement fort. Après ces deux lectures, mon moral était franchement très bas. Limite zéro absolu. Miné, déprimé, vaincu, je cherchais une main amicale, quelque chose qui pourrait me rassurer. Je l'ai trouvé en lisant mieux ces deux articles.
Si, sans aucun doute, le porte parole de l'ambassade française à Washington - Nathalie Loiseau - existe réellement, il n'en va pas de même des arguments prétenduement irréfutables mis en avant par le journal. Les accusations proférées sont très vagues, sans fondement ni même un début de preuve. Face à tant de bêtise, la pauvre miss Loiseau pouvait difficilement répondre autrement que de la façon dont elle l'a fait. L'information est creuse, et appuie une thèse qui tient plus de la rumeur que d'autre chose. Elle n'en reste pas moins effrayante, et a trouvé un relai massif sur internet.
Ensuite, j'ai lu les chroniques acerbes du dénommé Mulen. On peut être vif et tranchant, tout en restant intelligent. Mais lui semble carrément idiot. On peut lire, sur son site, une petite pique intéressante sur la France et l'Allemagne au sujet des réductions d'émissions de gaz à effet de serre. Ces deux derniers pays, selon lui, sont les deux plus gros contrevenants au protocole de Kyoto, ce qui la fout mal pour des moralisateurs, tout de même. Et il s'appuie sur un article de la BBC. Qu'il n'a manifestement lu qu'en diagonale. Ou peut-être ne comprend-il l'anglais que très partiellement. Bref, je me suis permi de lui répondre poliment en soulignant ses erreurs, et en lui donnant une seconde source d'information, corrélant la première, où son postulat se révèle être explicitement contredit. Et où il est clairement dit, au cas où la réduction des gaz à effet de serre l'intéresserait, ceci : « The United States produces most of the world's greenhouse gases, but Bush argued that the pollution targets in the treaty put too much of a burden on the U.S. economy ». Bref, j'étais un peu soulagé, mais pas tout à fait d'aplomb. Un peu comme quand vous sortez d'un grand huit, rassasié d'émotions fortes mais encore un peu chancelant.

Toujours soucieux des relations franco-lerestedumonde-iales, je creusais. Google aidant, mais pas trop, j'ai dû user des recettes de grand-mère pour débusquer deux ou trois sites supplémentaires. En suivant les liens hypertextes, j'ai dû faire trois fois le tour de la planète. Pour retomber en France, et constater l'étendue des dégâts. Où certains contribuent bien plus au climat de tension nationale actuel que les menaces de Colin Powel même. C'est le cas du rédacteur de merde in France, qui malgré un style rédactionel plutôt très correct, est effrayant de cynisme, et frôle l'ultra-nationalisme méga-conservateur mais curieusement pro-américain un poil beaucoup trop raciste à mon goût. Jugez donc vous-même : « La France est devenue un pays peuplé de sauvages qui ne font que glorifier le terrorisme comme forme d'expression politique tant que cela ne se passe pas chez eux ». Ca encore, ca pourrait passer pour de la provocation, sorti du contexte. Mais le reste est bien pire. Lu' va avoir envie de vomir. Mais c'est Lu'.

Dans le même genre, on trouve aussi the dissident frogman, qui sous des apparences calmes (celles de la page d'accueil, vers laquelle je n'ai pas mis de lien), nous assène deux trois textes dérangeants dans son bureau de la propagande. Ce qui m'embête le plus dans ces deux sites, c'est que je n'arrive pas à déterminer la quantité de second (troisième) degré utilisée. Et je n'arrive pas à me dire que cela pourrait bien être du premier degré, avec tous les dangers que cela impliquerait. Du moins à mes yeux. Venant de français vivant en France, je trouve vraiment ca écoeurant. Mais je suis un idéaliste qui veut croire au futur de son pays et qui essaie de faire en sorte de l'améliorer. Contrairement à d'autres qui ont choisi de s'expatrier il y a bien longtemps, et qui écrivent maintenant, avec tout le recul dont il sont capables, ce genre de choses : France is almost finished. C'est d'autant plus effrayant que c'est semé de petits morceaux de réalité.

Toujours lancé dans ma quête de vérité, je suis ensuite tombé sur une drôle de page, avec de drôles d'idées sur le libéralisme et le libertarianisme. Je m'attendais à du discours madelinisant, je suis tombé sur un mix entre propos franchement acerbes sur l'état français et politique de pilier de bar. Au milieu de ça, tout de même, quelques bons articles, et quelques petits liens croustillants. C'est là que j'ai trouvé de la nourriture pour Lu'. Pas du sablé, non non, ni du beurre. J'ai du mal à cerner les limites du site et le discours du type derrière. En tout cas, il écrit des choses drôlement jolies, parfois. Comme ce petit bout de poésie, les porteurs de kalachnikov.

Cette excursion dans le monde bizarre des libertariens et autres libéralistes (rien à voir, tout à voir, j'en ai perdu mon latin et mon grec. Ou était-ce un chinois ? je ne sais plus bien). Et je suis retombé dans la blogoshpère infinie, et sur un blog intéressant, en particulier l'article : Lex Is On To Something, par Sylvain Galineau (le permalink est cassé, désolé). Petit extrait, pour les flemmards : « Pessimistic ? Maybe. After all, gloom and doom are almost as french as baguettes and guillotines. Resigned is more like it. Resigned to watch things turn uglier before they can improve. But they will. »

Ce qui me ramène à mes recherches premières, sur les amitiés, haines, et relations franco-américaines. Sur ce sujet, l'actualité est riche, et les blogs sont nombreux. Mais pas toujours passionnants. Deux expatriés ont pourtant des opinions et des remarques assez intéressantes. La première, mon homonyme emmanuelle (qui est une fille, à n'en pas douter) parle de tout, mais c'est drôlement bien rédigé. Et c'est bilingue. Le second répond au pessimisme d'un troisième (que je n'ai pas encore présenté donc :) dans un message intitulé France, Stay home. Une analyse naïve, simple, mais qui a du sens, au fond. et puis j'aime bien le nom de son blog : Ca n'est pas parce qu'on n'a rien à dire qu'on doit fermer sa gueule. Ca pourrait être la devise de TDD, pour un peu...

Le troisième larron est un américain et vit à Lyon. Original non ? Il est assez méchant avec tout le monde (c'est ça qu'est bon, comme dirait une personnalité double que je connais bien), mais en particulier avec ses amis patriotes. Il est aussi assez drôle quand il explique ce qu'il a changé depuis qu'il vit en France et ce qu'il ne voudrait pour rien au monde changer. .

On prend une bouffée d'air pur (n'en déplaise mes amis provinciaux, oui je peux, quand j'ouvre ma fenêtre, respirer l'air pur. Changez juste le référentiel pur en adaptant l'indice de pollution de l'air minimal, non mais) et on soupire d'aise en constatant le gros boulot (ou est-ce la malheureuse expérience) d'emmanuelle(.net) qui fait réfléchir les gens.

Et enfin, tel le shameless parfait, voici un article expliquant comment faire la promotion de son blog (et exploser son googlerank en même temps que la BP de son hébergeur :)

Allez, juste une dernière, parce que je ne peux pas laisser passer ca, et que sebc commence à s'ennuyer : bwaaaah, des maaaaaths :)

mise à jour : merci à Damelon Kimbrough qui me signale que le rédacteur de merdeinfrance est un expatrié, et n'est donc pas français, contrairement à ce que je pensais.
Rédigé par manu à 20h51 | TrackBacks (0)
Categorie: [maux de tête]
Commentaires
Damelon Kimbrough le 9 mai 2003 à 14h24

Etes-vous sur que l'auteur de "Merde in France" soit français? J'avais l'impression qu'il s'agissait d'un expatrié vivant en France...

Pierre CARION le 9 mai 2003 à 19h29

Bien vu le tour du web des relations franco-americaines.
J'accepte sans problème les qualificatif naifs et simples de mon billet "France, stay home" car l'objet de ce billet etait de faire remarquer que les sentiment anti-français relevaient
également d'une analyse "naive et simple":
* G.W Bush fait le raisonnement "naif et simple" qu'il est bon d'avoir un pays servant de bouc émissaire: il est preferable d’avoir des journaux qui tapent sur la France, plutôt que d’analyser la situation économique intérieure
* de nombreux auteurs de blogs (que vous avez cités), considèrent de maniere "naïve et simple” que, comme tapper sur la France est dans le vent, c’est bon pour leurs statistiques

Tout cela n’est que tempête dans un verre d’eau.

Comme disait John Major, ancien PM anglais, dès le début de la guerre d’Irak, sur CNN au sujet de la détérioration des relations France-USA:
“un politicien voudra profiter de la situation, un homme d’état fera tout pour recoller les morceaux”

Aucune raison d’être trop pessimiste. Sauf a considerer que G.W Bush n'est pas un homme d'etat ...

sebc le 9 mai 2003 à 21h52

Meme pas vrai, c'etait vraiment tres interessant :) (oui, je m'interesse aussi au monde reel... mais pas trop, sinon je me sentirais oblige de discuter avec des gens).
Et puis, Java, j'en veux pas ;P (c'est joli, n'empeche... comme quoi on peut compter sur les humains pour faire de belles choses meme dans les pires conditions; bon, et puis ca motive aussi pour faire mieux :))

Georges le 27 septembre 2003 à 02h33

Je vous rejoins tout à fait dans l'écoeurement face à un certain nombre de "compatriotes" (mais le sont-ils vraiment ?) expatriés ou non.

Leur haine tous azimuths pour la France et leur conversion naïve aux pires idéologies conservatrices et dix-neuviémistes des Etats-Uniens seraient simplement risibles, si certains, munis d'un relatif bagage intellectuel, ne s'entendaient à habilement collationner dans leurs blogs (je pense à celui de Sylvain Galineau) le meilleur de la "pensée" néo-conservatrice comme de la pseudo-science réactionnaire.

Ce sont de véritables révisionnistes. Somme toute semblables à un Faurrisson, qui remettait en question l'immense machine d'extermination nazie sur la foi de quelques imprécisions historiques, eux, armés du "cut-copy" et des ressources infinies de la Toile, remettent en doute imperturbablement tout ce qu'on peut leur opposer, leur démontrer, leur faire voir sur le nombre des victimes civiles innocentes en Afghanistan, en Iraq, sur la réalité du réchauffement climatique et l'implication des pays développés au premier rang desquels les USA, etc.
Tout ceci pour conforter bien entendu leurs certitudes de "Chicago Boys", du nom de cette secte économique ultra-libérale qui est en grande partie responsable des désastres économiques et financiers de ces dernières années en Russie, Afrique, Argentine, etc.

Petits châteaux pour paranos, leurs blogs - au demeurant bien faits - participent de l'atomisation et de la relativisation de l'information qu' a générées le Net (et dire qu'il y a 10 ans encore, les idéologues d'internet nous promettaient que chacun serait mieux informé et rendu plus critique grâce à la multiplication des "sources" d'information !).

Bref, nous assistons à un retour au tribalisme des beaux esprits, à un appauvrissement des échanges vrais sur ce média réducteur, confinant, trompeur.