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« Les archives de blog out : Histoire d'une brique de Tétris en 3 dimensions »

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babillages

Phase prélinguistique qui débute vers le deuxième mois de la vie, et pendant laquelle le jeune enfant s'efforce d'émettre des sons de plus en plus articulés (voir: lallation).

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dans la colle

On m'a collé les yeux avec de la colle cléopatra. Vraiment, je ne vois que ça. C'est la seule colle au monde capable de m'engluer le regard tout en me shootant le cerveau aux grains de sable. J'essaie d'enlever tout ça avec de l'eau fraîche, mais rien n'y fait. Je me jette dans la rue, un peu ébourriffé, un peu chancelant, complètement au hasard. Mes antiques chausses me mènent au métro. Avant d'y rentrer, je me fais interpeller par un cocker géant, qui me demande son chemin. Je fais mine de savoir où se trouve la rue des branquignolles à Montreuil, et je m'engouffre dans les souterrains de la ville, à la recherche d'une étincelle de vie.

Je sors mon bouquin. Ne me demandez pas comment je fais pour lire dans cet état. Ou plutôt, demandez-le lui directement, tiens, c'est de sa faute après tout. La station de métro arrive bien plus vite que prévu, et je l'attrappe de justesse. Je négocie quelques virages serrés et j'écrase quelques pieds au passage. Un contrôleur s'enfonce nonchalament un tube de Vicks dans la gorge, et un pouce dans la narine droite.

Je croise une armée d'ombres, et quelque chose me perturbe. Une gamine de 3 ans me regarde ; elle a l'arcade sourcillière percée. Une antenne de métal lui jailli du front, pendant que des braillements insupportables lui sortent de la gorge. Les ondes qui surchargent l'atmosphère m'abrutissent. Je ne pense plus qu'à une chose, sortir. Retrouver l'anonymat de la rue. Me fondre dans la masse des hommes à bouc et des femmes fatales.

l'aube

Déjà huit heures. J'attrappe mon manteau, mon livre et mon rhume, et je sors de l'appartement douillet. Dehors, les lampadaires jouent avec le soleil naissant pour faire disparaître les derniers lambeaux de nuit qui s'accrochent aux baillements des passants.

J'ouvre grands mes yeux, histoire d'en chasser le sommeil. Les couleurs naissent doucement. Le ciel passe du gris-blanc au bleu vif, et quelques nuages s'effilochent en rosissant.

Je photographie mentalement ce joli tableau, et je descends sous terre pour quelques heures, avant de me retrouver face à face avec la nuit.

Strasbourgeoisie

À Strasbourg, il y a deux types de gens : ceux qui mangent très bien pour 7.5€, boivent beaucoup pour 3€, et font la fête sans débourser un rond, et ceux qui dînent pour 296€, et qui se font indiquer un salon de thé, à une heure du matin, par le videur du Sarcophage.

La solution pour mettre tout le monde d'accord ? Un bon petit vin chaud et des bredele.

Excès de vitesse

Ça y est, c'est foutu. Les français ont perdu leurs bonnes habitudes de chauffards, on ne pourra plus gagner trois minutes sur l'heure de sa mort. Pourtant j'aimais bien, moi, griller les kilomètres citadins à 62km/h sur mon scooter bleu. Je vais devoir me remettre aux rollers, si c'est pas malheureux ça...

L'avantage, c'est que j'aurai de nouveau l'impression d'aller vite pour pas cher, et je pourrai défriser les grand-mères en leur passant à dix centimètres du teckel, exprès, en brandissant un CD de Britney Spears dans une main et un DVD de marylin manson dans l'autre.

Ou alors je ferai comme ce soir, entre deux copies de concepts système, et je relancerai ça. Juste pour le plaisir de pouvoir me faire une vraie caisse de jacky et foncer à deux cents à l'heure en rasant les camionnettes, histoire de me faire les poings.

liberté d'expression

J'ai besoin de fruits. De vitamines. D'un liquide pour noyer mon alcool aussi. Je décide qu'une bouteille de jus d'orange sanguine fera très bien l'affaire. D'un pas décidé, je me dirige donc vers le supermarché du coin. Sur le chemin, une mémé me bouscule. Un chat s'étrangle dans ma gorge, ce qui irrite soudainement son roquet. Elle tire sur la laisse en râlant. Le jappement aigu a dû dérégler son sonotone.

À peine entré dans le magasin, mes oreilles sont prises d'assaut par les hurlements d'une armée de gamins. Ils jouent à savoir qui de leur mère ou de leur père s'énervera le premier et leur collera la trempe du siècle. Le seul problème, c'est que l'autorité parentale a foutu le camp il y a bien longtemps, à peu prêt le jour où le préservatif a lâché. Je soupire et me dirige vers le rayon boissons.

J'arrive en caisse sans incident majeur. La caissière me fait un grand sourire, et me demande si je compte faire une petite fête ce soir. Franchement, vous en connaissez beaucoup, vous, des personnes qui achètent 2 litres de jus d'orange pour faire une petite sauterie ? Moi pas. Enfin si, maintenant, une, la caissière. Je nie de la tête, donc. Elle rattaque, en me demandant confirmation qu'il fait bien froid dehors. J'ai dû me tromper, j'étais pourtant sûr de ne plus confondre les salons de coiffure avec les supermarchés. La mèche qui me tombe sur les yeux à ce moment là me conforte dans ma première impression. Bref, j'esquisse un non de la tête. On me signale alors, l'air un peu désenchanté, que je ne suis pas du genre bavard, hein.

Ben non. Je ne suis pas bavard. D'autant moins bavard que je suis aphone, l'un des rares soirs où j'aurais voulu pouvoir parler avec des inconnus. J'ai soudain envie de hurler, et je m'étrangle dans un tonnerre de râclements de gorge.

La crise

On ne cesse de nous répéter que le monde est en crise. Tout va mal, c'était mieux avant ma bonne dame.

Chez les vieillards de tous poils qui nous dirigent, on tient à peu près ce discours : « Allez bande de feignasses, travaillez un peu que diable, vous aurez tout le temps de prendre des vacances d'ici 42 ans. 45, si vous êtes sages ». Pour ceux là, il faut relancer la consommation, faire des pépètes, miser sur la croissance et le libre-échangisme (mais sans poils).

Chez les jeunes, ça n'est guère mieux. Vas-y que j'hystérise sur l'avenir ; vous aurez remarqué comme il est tendance de compter ses points de retraite entre amis, de souscrire à une assurance vie pour frimer auprès de ses voisins, et d'évoquer, la peur au ventre, ces longues années de cotisation nécessaires avant le repos ultime, quand on sera vioque et moche, con et prétentieux, dégarni pour certains, choucroute à frisettes pour les autres. Rien à dire, je les comprends ces gens, ça fait envie la retraite, vivement, tiens.

Chez d'autres jeunes, on prône plus la révolution. La remise à zéro des pendules, la fin du capitalisme, du dirigisme, de la rigidité étatique, des OGM et des avancées technologiques, qui sont de toute façon liberticides. On veut du logiciel libre par ci, des élus verts par là, l'abolition des frontières, le Grand Mélange Final, une orgie globale. Être vieux, on n'y pense pas, de toute façon on sera mort avant, avec les gens qu'on a au pouvoir. On refuse le travail, la famille, la nation, toutes ces valeurs décrépies qu'on veut nous faire passer pour des pastilles Vichy bonnes à sucer, alors qu'elles sont là pour nous enculer. Ces jeunes là sont engagés à mort dans une lutte sans fin. D'ailleurs, ceux de 68 continuent de lutter grave, fusil au poing. Réfugiés dans leur parti politique, parce que bon, quand même. De toute façon, il faut combattre l'ennemi avec ses propres armes.

Bon, donc, l'économie stagne et les gens font la tronche, nous dit-on ? En fait, tout ceci est un vaste complot destiné à tous nous faire virer dingues. D'ailleurs en voici la preuve formelle : foncez rue Montgallet, comptez le nombre de gens qui sortent du métro les mains dans les poches et qui en ressortent les mains pleines de poches. Essayez de calculer, mentalement, la somme rondelette que tous ces achats représentent, et le nombre de vieux cons, jeunes cadres dynamites, et rebelles sans âge qui transitent ici, en mêlant leurs sueurs dans une bousculade sans nom. La rue Montgallet a de quoi satisfaire libéraux, anxieux et révolutionnaires. On les y accepte tous, et on oeuvre à leur bonne santé en leur permettant d'assouvir leurs fantasmes électroniques du moment. On satisfait à tous les besoins ; consommation (lourde), libre-échange (de CD), abolition des frontières (DVD multizonés), Ordinateur Grandement Modifiés, et kebab à tous les coins de rue.

Non vraiment, nos analystes sont des fumistes.